« Etre un nez n’est pas inné, mais une affaire d’entraînement »
Tout un chacun est capable de voir en pensée son appartement ou de fredonner mentalement un air connu. Mais peut-on se souvenir en pensée de l’odeur du pain grillé au point de la sentir ? L’imagerie mentale olfactive est un exercice bien plus difficile que l’imagerie mentale visuelle ou auditive et la plupart des personnes disent ne pas posséder cette capacité, ce qui ne serait cependant pas le cas des parfumeurs. Qu’en est-il vraiment ?
Pour répondre à cette question, nous examinons l’activité cérébrale de parfumeurs. Quand ils imaginent mentalement des odeurs, nous observons que ces images mentales activent les mêmes régions cérébrales que celles sollicitées quand les odeurs sont réellement présentes. Nous observons de plus que le volume de matière grise dans les aires olfactives est plus grand chez les parfumeurs que chez les volontaires naïfs, et ce d’autant plus que leur expérience est grande. En bref, nous observons des modifications fonctionnelles et structurales chez les parfumeurs acquises grâce à l’entraînement, qui rappellent celles observées chez d’autres types d’experts comme les musiciens ou les sportifs. Tous réorganisent et surdéveloppent des aires cérébrales spécifiques à leur expertise.
Jean-Pierre ROYET
Directeur de recherche émérite au CNRS
Jean Pierre Royet a débuté sa carrière en 1973 au CNRS en étudiant le traitement de l’information olfactive chez l’animal. C’est à partir de 1992 qu’il a étudié la fonction olfactive chez l’homme et est devenu directeur de recherche en 2005. Il fait partie des 4-5 équipes mondiales qui utilisent les techniques d’imagerie cérébrale pour étudier les fonctions olfactive et/ou gustative et est le seul, à ce jour, à avoir enregistré l’activité de structures olfactives à l’aide d’électrodes profondes.
Spécialiste de l’étude des processus cognitifs olfactifs chez l’Homme, Jean-Pierre Royet s’est attaché à comprendre les mécanismes périphériques et centraux du système olfactif (détection, émotion, mémoire, identification). Il a entre autres, associé les méthodes de psychologie cognitive et de neuropsychologie avec les outils d’imagerie cérébrale (Tomographie par Emission de Photons, Imagerie
par Résonance Magnétique fonctionnelle) et de stéréo-électroencéphalographie (SEEG) dans le but d’associer les circuits neuronaux ou les aires cérébrales qui participent aux différents niveaux de traitement de l’information olfactive. Il a abordé la compréhension de ces mécanismes olfactifs soit chez le sujet sain, soit chez le patient qui présente un trouble de la fonction olfactive tels que ceux atteints de maladies neurologiques (Alzheimer, Parkinson, épilepsie, migraine) et psychiatriques (schizophrénie, autisme, anorexie).